Au début de sa carrière, il travaillait avec des ados dans les centres sociaux. On lui avait dit, tu verras, c’est sympa, et puis, il s’était vite rendu compte que c’était bien plus difficile que ce qu’il avait imaginé. Il avait été bien incapable de formuler les enjeux qui se mettaient à l’œuvre, mais il l’avait senti qu’il y a avait là quelque chose d’essentiel à ne pas rater. C’était physique. Une lutte à entreprendre. L’ultime combat avant que les ados ne soient jetés dans la délinquance par brouettées de quinze. Il n’y était pas si mal arrivé. À les retenir de plonger. C’était un appel permanent. On le craignait, mais on le désirait aussi. Se sauver et se détruire. Comme des synonymes. Aucune différence.
Auteur/autrice : Oliver Rych
[#GRP] – Il fallait rompre avec la haine
Le 29 juin 2012
Ma chère amie,
Le repos aide beaucoup à se laisser porter par l’intuition. Il n’y aurait que cela qui viendrait, en quelque sorte, produire, une identité qu’on aimerait toujours remarquable, au sens où elle serait singulière, et donc, identifiable. Je la trouve très agréable, en ce moment, cette intuition, et je n’ai de cesse de l’interroger sans relâche, comme pour saisir ce qui m’aurait conduit à prendre une option plus qu’une autre, à suivre un chemin d’études que j’espère être aussi un chemin de compréhension. Au moment où je sentirai que je me perds un peu, — et je le mesure déjà mieux aujourd’hui, c’est aussi parce que je suis en train d’assimiler un très grand nombre d’informations en même temps puisque sept romans, en soi, cela ne semble pas insurmontable, mais cela représente l’équivalent de la Recherche pour laquelle on continue de découvrir et d’écrire —, je m’autoriserai un temps de recul, surtout, pour éviter les amalgames et confondre ce que je pressens, sans le formuler vraiment, que chaque roman que je lis comporte un sujet principal que je ne voudrais pas rater à trop vouloir faire de tout ce que je découvre un seul et même geste d’écrivain. Il est vrai que la Recherche m’avait impressionné sur cet aspect. Chaque roman pouvait se lire séparément, mais il constituait une suite exceptionnellement cohérente lorsqu’on la lisait dans l’ordre définitif que l’auteur avait choisi.
Comme dans un rêve
Je suis très heureux de vous annoncer qu’un premier livre vient de partir à l’impression, avec un « O », comme… Origine.
Bientôt, donc, une nouvelle aventure qui commence !
Je vous installe une petite boutique virtuelle où vous pourrez commander autant d’exemplaires que vous n’avez d’amis sur la terre. Et, si vous craignez de rater ce premier grand événement projeté dans le réel, vous pourrez peut-être même pré-commander votre exemplaire.
Un grand merci à Phiip et à Gaspard pour leur précieuse aide.
[AF] – Premier avertissement
Voici encore que nous a été servi le discours des causes et des conséquences accusant celles et ceux que l’on voit partout sur les couvertures de magazines d’être les responsables, par les lois qu’ils promulguent, des restrictions budgétaires auxquelles on nous demande de nous soumettre. Tout cela serait aisé à admettre si nous ne nous étions pas intéressés à quelques chiffres que nous avons savamment trouvés rangés sur des lignes discrètes qu’on avait mystérieusement oublié de transcrire sur le powerpoint d’un séminaire de rentrée. Il est vrai qu’on serait proche du vertige en essayant de saisir comment de quelques centaines de milliards, nous arriverions aux quelques centaines d’euros qui concernent notre droit à prétendre évoluer tout au long d’une carrière et non, comme cela se produit actuellement, à voir chaque année notre pouvoir d’achat fondre comme neige au soleil. Par contre, lorsque nous y regardons de plus près, et que nous dépassons le stade de sidération face aux milliards qu’on ne saurait compter, que nous mesurons sur une échelle de quelques centaines d’agents coûtant, de fait, de moins en moins d’argent étant donné que leur salaire est gelé depuis de nombreuses années, nous apprécions mieux les bénéfices ainsi réalisés sur notre dos, adoubés par les peurs qu’on a déposées en nous grâce à des camemberts tout rouges et des pourcentages grandiloquents. Car les dirigeants de notre belle Entreprise semblent avoir su bien faire, alors que nous quittions le terrain pour nous insurger contre une puissance qui nous dépasse, pour qu’aucune contestation ne soit exprimée là où, pourtant, le seul pouvoir en action, le seul pouvoir réel, institue un autoritarisme qu’on serait bien désolé de découvrir s’il nous était dévoilé, mais qui, grâce aux petits tours de passepasse médiatiques, reste totalement inaperçu et se développe à l’abri des regards indiscrets.
[MATP] – Vous nous devez à tous, Monsieur le Président, une prestante explication
— Est-ce que c’est une plaisanterie ? Pensiez-vous qu’un projet tel que vous nous l’aviez présenté, nécessitant toute une flopée de réformes conjoncturelles, remplaçant celui qui, actuellement en vigueur, s’était traduit par plus de cinquante pages de définitions d’objectifs, d’intentions politiques, de déploiements d’utopies, allait pouvoir, en quelques minutes, alors que le précédent avait nécessité des mois et des mois de consultations, se résumer à trois pages où nous trouvons, dès la seconde phrase, pas moins de six incohérences confondant les textes cadres, le règlement intérieur d’un côté et notre vision d’un avenir commun, généreux et formateur pour les générations qui viennent ici se former à l’excellence d’un art ancestral ? Mesdames et messieurs les membres du conseil, devons-nous nous contenter d’un document qui effleure la quasi intégralité des sujets qui nous préoccupent et qui font que chacun prend un peu de son temps libre pour assister à des réunions forcément tardives nous empêchant tous de profiter comme il se doit de nos familles respectives ? Car quitte à choisir entre deux destins tragiques, je préfère encore ne rien avoir à lire que d’essayer de trouver une once de perspicacité à ce torchon indéchiffrable, et tout de suite vous prévenir que je n’aurai de cesse de déplorer publiquement l’intention presqu’impudique de nous signifier que nous ne sommes plus très loin de mettre la clé sous la porte. Ne comptez pas sur moi pour me corrompre en feignant de vouloir appliquer ce qui me semble n’avoir jamais été pensé autrement qu’une vaste fumisterie là où des années de travail ont vu naître des projets ambitieux qu’on nous dit encore prendre pour modèle dans l’intégralité du Royaume ! Il me semble que vous nous devez à tous, Monsieur le Président, une prestante explication.
[AF] – Pamphlet idéologique servant d’anarcho-thérapie à d’impuissants citoyens passant leur détresse dans l’alcool et les substances interdites
Un riche se justifiant d’avoir triché a avoué qu’il lui fallait 6000 EUR par mois pour fonctionner avec trois enfants.
A-t-on réellement mesurer l’impact que pouvait avoir sur les consciences une telle indécence ?
Heureusement, dans sa rue, s’est organisée une petite rébellion, et on a vu défiler des pancartes et brûler des voitures. Le riche n’a plus de pouvoir, mais il n’en est pas moins riche.
Bien sûr, on nous dirait : Qu’avez-vous contre les riches ? Grâce à eux tout fonctionne, tout progresse, tout s’embellit !
Oui, oui, nous avons bien compris, mais ce ne sont pas les riches qui nous perturbent. Ce sont les pauvres. Il y en a trop. Et il y a trop de ces catégories sociales qui, peu à peu, se fragilisent, car, on le dit vite, mais on aime le répéter : une partie non négligeable se précarise. D’années en années, elle a moins de moyens. D’années en années, moins de stabilité dans le travail. D’années en années, elle se dit, ah ben oui, mais j’peux pas, et s’enferme chez elle à se goinfrer de mayonnaise en regardant des pubs de dentifrice.
[#GRP] – De toutes ces pages de violence tremblée
Le 11 juin 2012
Ma chère amie,
Au fond, j’ai bien conscience que je ne suis pas un étudiant comme les autres, en tout cas, pas comme on s’imagine, la plupart du temps, ce que serait un étudiant, puisque, ce n’est pas un secret, je suis loin d’avoir entre dix-huit et vingt ans. Me concernant, on pourrait s’attendre à ce que je profite pleinement d’une expérience plus longue des éléments à proprement parler dits constitutifs au cours d’une vie, non encore tout à fait au seuil d’une heureuse vieillesse, mais avec un passé orientant quelques autres formes d’objectifs aussi, certainement moins marqués par ce trouble de l’inquiétude que ressentirait, un peu comme moi il y a quelques années, au seuil, cette fois, de ma carrière professionnelle, un jeune établissant le premier chaînon entre sa vie presqu’entièrement scolaire et sa future autonomie intellectuelle. Bien sûr, j’ai peut-être un peu moins surjoué la pression liée à la préparation des examens, en ayant passés un certain nombre avant d’être pleinement établi, mais finalement, nous étions tous sur le même plan, développant à nos stades d’existence le même genre de compétences, dont celles auxquelles on ne s’attend pas vraiment en s’inscrivant presque candidement dans un cursus qui nous intéresse parce qu’on aime les Belles lettres.
[AF] – Ne plus cessez d’agir que dans la clandestinité
On est toujours un peu impressionné quand on doit se rendre au siège la Direction pour faire part de son petit cas personnel. Déjà, ce ton qui vous dit « oui, oui, passez telle date à telle heure sinon on reporte à dans six mois », ne prenant pas en compte que vous pourriez avoir d’autres projets dans la vie que de venir vous frapper la tête contre les remparts du pouvoir. Alors, on arrive, on vous fouille comme à l’aéroport, on vous pose dans un canapé, on prévient votre interlocuteur et on vous fait attendre devant des petites caméras qui balaient la salle de gauche à droite. C’est important, de vous faire attendre. « On viendra vous chercher », sauf qu’on prétend qu’on aurait oublié, on finit par rappeler, on vous demande de monter sans plus d’informations, vous vous retrouvez dans un long couloir à devoir demander à la première personne qui passe avec des dossiers plein les bras, on vous dira « deuxième bureau à gauche », mais avant cela, c’est l’attente, on reste face aux ascenseurs, et on voit l’organisation de la structure à laquelle on est venu se confronter.
[MATP] – Et bien, qu’à cela ne tienne !
Il ne savait pas encore quelle triste nouvelle sa mère allait lui annoncer lorsque Tristan descendit sans trop d’enthousiasme, répondant aux injonctions qu’on lui adressait à maintes reprises jusqu’à ce qu’il daigne apparaître dans le salon où tous les membres de la famille avaient pris l’habitude de se réunir quelques minutes avant de passer à table. C’était pendant ces derniers moments de tranquillité, alors que ses frères et sœurs l’avaient précédé en dévalant l’escalier au son de tout ce qu’ils trouvaient sur leur passage et sur quoi ils pouvaient taper en poussant des hurlements de Sioux, que son esprit s’échappait encore vers ce qu’il pensait pouvoir devenir l’idéal d’une vie bien meilleure, car pour quelque peu distraire cette désolation qu’il sentait de plus en plus envahir le siège de ses émotions et pour laquelle il n’avait aucune explication rationnelle à part la fin prématurée de son enfance, il se laissait encore rêver en pensant à tout ce qui lui était arrivé d’essentiel dans sa courte vie de conscience. Il se souvenait comment était né ce désir un peu fou d’être de ces jeunes chevaliers qu’il avait vus s’ébattre au bord de la rivière. Il s’était arrêté pour les regarder faire. La multiplicité des tours qu’ils produisaient et les rires qui retentissaient en même temps que leurs visages tournoyaient illuminés d’un sourire extatique l’avaient immédiatement comme envoûté tellement jamais il ne s’était imaginé que des enfants de son âge pouvaient avoir une telle complicité à ne faire qu’inventer des jeux si variés qu’il s’était dit qu’il y avait là un monde d’infinités à côté duquel il aurait pu passer, mais auquel il s’était, sans y réfléchir vraiment, juré d’appartenir. Il avait eu le courage de s’approcher et de hurler à ses deux joyeux combattants toutes les questions qui lui passaient par la tête, comment il fallait faire pour être comme eux aussi bien équipé, de quelle école venaient-ils, aurait-il un jour le droit de participer à leurs jeux, et tout en continuant de rire, les jeunes chevaliers lui avaient répondu qu’il suffisait de s’inscrire à l’École de formation des maîtres d’armes et lui avaient laissé espérer que s’il était sérieux, il n’aurait besoin que de quelques semaines pour être admis parmi eux. Ils s’étaient tous deux brutalement arrêtés, et comme pour le tester, l’initier ou achever de le convaincre, ils lui avaient apposé un drôle d’instrument sur les lèvres en lui commandant de souffler tout ce qu’il pouvait. Tristan, se laissant déborder d’enthousiasme, avait réuni toutes ses forces pour ne pas décevoir ses deux nouveaux camarades et s’y prenant à plusieurs reprises pour s’octroyer le droit d’avoir une meilleure chance d’y parvenir, il produisit un son si puissant que tout son corps se mit à vibrer et tout, dans sa tête, ne fut plus qu’un immense vertige de bonheur qu’il tenta de contrôler en laissant s’échapper un grand éclat de rire. Il en était. Il en serait. Les jeunes chevaliers criaient des hourras d’exaltation. Et déjà Tristan avait entamé une course folle pour rentrer chez lui au plus vite, déboulant comme un ouragan dans la salle à manger, puis dans la cuisine, pour formuler à ses parents qu’il ne souhaitait plus qu’une chose, désormais : intégrer l’École de formation des maîtres d’armes et devenir chevalier. Ah ça, oui, ce souvenir l’aidait beaucoup à lutter contre sa mélancolie. Ses parents, qui ne savaient pas trop en quoi consistait cette école, s’étaient vite renseignés, l’avaient inscrit, d’abord, pour voir si leur fils se plierait à l’exigeante discipline qui régnait au sein de tous les cours qu’on y dispensait, et face au plaisir qu’il semblait y trouver à réclamer d’y retourner plusieurs fois par semaine, ils n’avaient pas regretter leur décision et l’avaient inscrit chaque année pour qu’il continue d’y parfaire sa pratique. Tristan non plus n’avait pas regretter, car en plus de s’adonner à tout ce qu’il avait entrevu sur le bord d’une rivière, il s’était presqu’immédiatement distingué de ses frères et ses sœurs qui, eux, n’en étaient encore qu’à taper dans des bassines en plastique avec des cuillères en bois sur lesquelles ils tentaient tant bien que mal de percer leurs gencives.
[AF] – Et tout le monde sera sur le pont, arme au poing
Qu’est-ce qu’on aime les journées de formation offerte par le contribuable.
Du café chaud, des powerpoints, des directeurs de service assistés de leurs coordinateurs, la bonne humeur à tous les étages pour présenter les nouveautés.
– Vos mails professionnels seront archivés et pourront être consultés à tout moment.
– Ben, euh !
– C’est pour votre bien, votre protection. De toute façon, vous n’avez rien à cacher à votre hiérarchie, et puis, tout de même, il y a un protocole. Ne pensez pas qu’on vienne fouiller dans les boîtes mails de mille cinq cents agents pour le plaisir de le faire !
– Mouhahaha !
– Et puis, désormais, il vous est formellement interdit d’utiliser tout autre moyen de communication pour de quelconques interactions avec le public extérieur.
– Mais, euh ! Comment on va faire !
– Vous n’aurez qu’à envoyer des mails. C’est comme ça, c’est l’avenir. On communique par mail. D’ailleurs, vous passerez tous en rangs bien formés. Ce n’était pas indiqué dans l’ordre du jour, mais nous allons configurer vos smartphones. Vous verrez, on s’y fait vite. Zing-zing (ou sur vibreur si vous préférez) quand vous recevez un message. Vous répondez. C’est aussi rapide qu’un texto. Ah oui, et pour la signature, format obligatoire : nom du service, logo, copie conforme à la hiérarchie.
– À vos ordres ! (voix de robots).