Il y a longtemps que je n’étais pas allée à une réunion de service. Certains semblaient presque étonnés de me voir. Il n’y avait pas grand monde. Au fond, je me doutais un peu que les réunions ne concernaient plus que quelques affidés.
Alors, bien sûr, je vous passe les détails d’hygiène : il était en retard, avec, sous le bras, sa collaboratrice attitrée (c’est celle qui s’est autodésignée – Le directeur avait une technique facile, il disait : tant qu’il n’y a personne qui se présente, la place reste vacante et le travail n’est pas fait, alors, au bout de quelques mois, il y avait toujours quelqu’un qui se proposait, et elle, elle était là depuis de nombreuses années). Il nous fait changer de pièce pour avoir plus chaud. Il n’y a que lui qui avait froid.
Il rappelle quelques règles auxquelles il tient absolument. Ne vous adressez pas au DRH directement. Il fait un portrait terrible du gars en question. Ça donne pas envie de lui écrire. Il vaut mieux que tout passe par lui. Je lance tout de même une petite rumeur dans les rangs. Le DRH n’est pas dans la pyramide hiérarchique. Il n’est pas notre supérieur. Il est censé appliquer strictement la loi, et répondre à nos demandes dans la mesure de ses moyens. Les demandes sont individuelles. C’est un droit, que nous avons tous, de s’adresser à lui, et il ne faut pas s’en priver. Certains me répliquent que ça va souvent plus vite quand on passe par le directeur. Oui, quand il a envie. Sinon, ça traîne sur son bureau et vous, vous attendez. D’ailleurs, remarquez ce qu’il vient de dire : certaines requêtes auraient été tout simplement refusées. J’ai demandé à qui, et il n’a pas su répondre. Ce n’est pas parce que c’est un secret d’état, c’est parce que ce n’est pas vrai. Ce type nous balade dès qu’il ouvre la bouche. Il parle de lois très compliquées, de chartes qui circuleraient auxquelles on aurait à se soumettre, d’alinéas dans les contrats d’assurance qui permettent qu’un jour, il refuse ce qu’on lui propose, et l’autre, il nous impose une idée farfelue.